le 07 octobre 2015
EDITORIAL - Cher lycéen français
Tribune libre sur l'étude publiée par la Cour des comptes au sujet du coût du lycée en France.
La Cour des Comptes a réalisé une étude très intéressante, très complète et très sérieuse sur le « coût du lycée » ou, plus précisément, sur le coût du lycéen français.
La dépense totale en faveur des lycées s’élevait en France en 2011 à 26 Md€ dont 67,5% apportés par l’Etat et 19,4% par les Régions, la dépense publique représentant 92% de l’ensemble. Cette dépense est composée pour 80% de salaires, ceux des personnels enseignants (53%) et non enseignants (27%), le reste des dépenses d’investissement et de fonctionnement étant à la charge des Régions.
Pour compléter et affiner son approche, la Cour des Comptes a sélectionné 31 établissements publics et privés, de différents types (LEGT, LP et LPO) et de différentes tailles et localisations. Pour chacun d’eux, elle a calculé avec beaucoup de soin le montant total de la dépense publique, ce qui lui a permis de comparer les coûts moyens annuels de 6 catégories de lycéens :
PUBLIC | PRIVE | ||||
LEGT | LP | LPO | LEGT | LP | LPO |
9 715 € | 14 180 € | 11 013 € | 5 149 € | 8 795 € | 8 586 € |
En moyenne la France dépense 10 102 € par lycéen.
Seuls trois pays dépassent ce niveau : les Etats-Unis (10 157 €), le Luxembourg (12 549 €) et la Suisse (12 769 €). Tous les autres pays de l’OCDE dépensent moins que la France et pour certains, tel le Royaume Uni (5 017 €), beaucoup moins. Cette position de la France est d’autant plus surprenante qu’aux autres niveaux d’enseignement (primaire et tertiaire ou supérieur), nous nous situons plus bas dans le classement.
Comment expliquer ce niveau élevé de dépenses pour le lycée ? La Cour des Comptes polarise son analyse sur un facteur particulier : les dépenses d’enseignement qui dépendent fortement de l’effectif des élèves devant lesquels les enseignements sont dispensés. Le système éducatif français apparait de ce point de vue comme celui où les dépenses d’enseignement sont très dispersées, avec des écarts de 1 à 2 entre les matières obligatoires du socle et les matières spécifiques, celles des options.
Cette explication est intéressante mais elle n’est sans doute pas la seule. On peut ici en évoquer quelques autres.
- Sur un plan strictement méthodologique, on peut s’interroger à propos des données de l’OCDE sur lesquelles se base la comparaison de la Cour : l’analyse a-t-elle été conduite dans tous les pays avec le même soin dans la chasse aux coûts cachés qu’elle l’a été en France ? Probablement pas. Les dépenses réelles dans certains pays sont sans doute plus élevées que celles retenues par l’OCDE.
- Par ailleurs, la Cour ne retient pas certains facteurs explicatifs, comme par exemple celui lié à la présence de services d’hébergement (restauration et internat) dont le coût est élevé pour les Régions : environ 700 € par lycéen en moyenne, ce qui correspond à 25% de l’écart entre la dépense française (10 102 €) et la moyenne de l’OCDE (7 309 €). Or, dans beaucoup de pays européens, un tel service n’est simplement pas offert aux lycéens, ou bien il est pris en totalité en charge par les familles.
- L’étude montre le coût élevé du lycée professionnel : 46% de plus en LP qu’en LEGT. Or, là encore, les pratiques d’un pays à l’autre sont très différentes. La France est l’un des pays qui assure une part importante de la charge de l’enseignement professionnel initial au lycée, alors que d’autre pays comme l’Allemagne partagent davantage cette dépense avec les entreprises.
- Autre particularité enfin : la prise en charge par le lycée français d’étudiants (BTS et classes préparatoires) qui sont dans d’autres pays comptabilisées dans l’enseignement supérieur.
Pour expliquer l’écart entre la France et la moyenne des pays de l’OCDE en matière de dépenses pour les lycées, plusieurs causes doivent être recherchées. Le salaire des enseignants n’en est de toute évidence pas une. Mais on peut repérer des dépenses qui pèsent sur le système français et moins sur celui des autres. Nous en avons cité trois : le service d’hébergement, l’enseignement professionnel initial, la prise en charge par le lycée d’enseignements relevant du supérieur. La Cour des Comptes y ajoute une quatrième cause : le nombre élevé d’enseignements délivrés devant des effectifs réduits. Elle en fait un facteur explicatif principal. C’est cette hypothèse que nous nous permettons de mettre ici en question.
Serge POUTS-LAJUS, Education & Territoires