le 04 mai 2015
EDITORIAL - Difficile réforme du collège
Le milieu de l’éducation est agité depuis plusieurs semaines par les discussions sur le projet de réforme du collège. Les responsables du projet au ministère et au gouvernement s’attendaient-ils à une réception aussi difficile ? Sans doute non.
Mais en proposant simultanément, ce qui n’avait jamais été tenté auparavant, une refonte des programmes de toutes les disciplines de l’école et du collège, une réforme des enseignements au collège (modification des horaires des disciplines et introduction de pratiques interdisciplinaires) et une refonte du socle commun de connaissances, de compétences et de culture (son nouveau nom), la ministre a placé la barre très haut. Elle a pris par là même un grand risque. L’avenir dira si le pari sera tenu et s’il valait la peine d’être tenté.
La volonté d’innovation dont se prévaut le projet dans ses contenus masque la façon très traditionnelle avec laquelle il a été conduit. Le ministère a constitué un comité ad hoc, le conseil supérieur des programmes, qui a consulté des experts avant d’aboutir aux propositions qui enflamment à présent les médias et les réseaux sociaux. Le processus se poursuivra jusqu’en juin à travers une large consultation des communautés éducatives par questionnaires, réunions et échanges en ligne. Cette consultation qui vient après celle sur le socle commun et une autre sur le numérique risque de lasser. D’autant que la prise en compte sérieuse des apports d’une consultation sur un périmètre aussi vaste (plusieurs millions de personnes) ne sera pas aisée. Beaucoup soupçonneront, à tort ou à raison, qu’elle ne soit qu’une consultation de pure forme. Elle pourrait aussi être exploitée pour attiser les querelles entre les partisans et les adversaires de la réforme.
La difficulté à laquelle l’Etat se trouve aujourd’hui confronté n’est pas nouvelle. Elle tient certainement à la taille et à la complexité du domaine sur lequel il doit agir. On peut se demander s’il est encore possible de manœuvrer un navire d’une telle taille et d’une telle complexité ou, du moins, de le faire avec des moyens aussi traditionnels et aussi centralisés que ceux évoqués plus haut.
La consultation sur Internet qui clôt le processus ne retire rien au caractère national d’une décision qui s’imposera en bloc à la totalité des personnels d’enseignement et de direction des écoles et des collèges.
L’expérience de la décentralisation démontre pourtant que la prise en charge de la décision par des unités territoriales souveraines et de moindre taille permet de traiter une certaine catégorie de sujets de façon plus efficace et notamment grâce à de vraies consultations, réalisées à une échelle qui permet d’entendre toutes les voix qui y participent. La question des programmes scolaires n’appartient certainement pas à cette catégorie. Mais d’autres qui sont liées au fonctionnement des établissements scolaires gagneraient à être abordées à une échelle infra-nationale. On pense bien sûr à la question des rythmes scolaires mais également aux enseignements professionnels ou à certaines thématiques éducatives comme le décrochage, le climat scolaire ou les actions culturelles transversales, pour citer quelques exemples.
La prochaine réforme éducative ne devrait-elle pas être aussi une réforme territoriale ?