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EDITORIAL - Pour une nouvelle approche décentralisatrice du numérique éducatif

Une tribune de Serge Pouts-Lajus, directeur associé E&T, parue dans « Le Monde » le 1e octobre dernier en réponse au récent rapport de la Cour des Comptes sur le numérique éducatif.

Numérique éducatif

Dans son rapport du mois de juillet consacré au « service public numérique pour l’éducation », la Cour des Comptes dresse un bilan sévère de la politique conduite depuis 2015 en la matière, et notamment pendant la deuxième moitié du quinquennat de François Hollande. Le rapport vise la politique de l’Etat. Mais dans le paysage du numérique éducatif, l’Etat n’est pas seul : il partage les responsabilités avec les collectivités territoriales. Si la cour avait été plus attentive à la pluralité des acteurs, sa perception du champ aurait peut-être été plus juste et sa critique aurait gagné en pertinence.

Le « plan numérique pour l’éducation », lancé par le président François Hollande le 7 mai 2015, inclut un important volet d’équipement individuel des élèves. Or, il faut rappeler que depuis 1985, l’équipement des établissements est une compétence des collectivités. Pourquoi donc l’Etat a-t-il éprouvé soudain le besoin d’intervenir dans un champ qui n’est pas le sien ? Ses propres responsabilités ne lui suffisaient-elles donc pas ? La question mériterait au moins d’être posée. La Cour des comptes ne le fait pas… Eclairons ici sa lanterne. Ce plan était la volonté du président : équiper tous les collégiens d’une tablette numérique. Il l’avait fait en Corrèze, il voulait le généraliser à tout le pays. Des responsables de l’Education nationale ont vainement tenté de l’en dissuader.

En proposant aux collectivités de financer la moitié de l’équipement puis finalement moins de la moitié – car celles-ci ont souvent proposé de renforcer leur participation pour obtenir des équipements plus haut de gamme – on les tente mais on les trompe aussi, et elles le savent. La maintenance de cette armada de tablettes sera entièrement à leur charge dans trois ans (dans les faits, avant, à cause de l’alternance politique), lorsque l’Etat « changera ». Elles continueront alors seules… Ou pas. Les collectivités territoriales sont des institutions souveraines, libres de leur gestion et de leurs décisions.

Il était facile de pronostiquer que le plan n’atteindrait pas ses objectifs : à l’invitation ambiguë de l’Etat, les présidents de conseils départementaux les plus proches du président répondront plus volontiers que les autres, ce qui contribuera à accroître les inégalités entre les territoires et entre les établissements. Trois ans plus tard, le nouveau ministre Jean-Michel Blanquer arrêtera les frais et passera à autre chose. Les collectivités protesteront peu. Elles avaient anticipé ce dénouement. Mais la cour devrait s’inquiéter autrement qu’elle ne le fait d’un Etat qui fait financer ses projets par d’autres que lui, crée de l’inégalité et, pour finir, ne tient pas ses engagements.

Un autre regard sur la décentralisation

Derrière la critique formulée par la Cour des comptes envers l’application « différenciée » de ce plan numérique selon les territoires, il y a un débat plus profond sur la définition qu’on donne à la décentralisation.

Le numérique éducatif et les premières lois de décentralisation ont quasiment le même âge. Depuis la fin des années 1980 donc, ce sont les collectivités territoriales qui équipent les établissements scolaires et plus généralement qui sont responsables des conditions matérielles d’accès au numérique des personnels et des élèves. Le rôle central de l’Education nationale est de définir la place du numérique dans les enseignements et de former les professeurs en conséquence. Voilà le tableau d’ensemble.

En confiant la totalité de la partie « matérielle » du numérique éducatif à un acteur local, celui auquel avait déjà été attribuée la responsabilité du bâtiment, le législateur a fait preuve d’une belle intuition. Aujourd’hui, le numérique est, avec l’eau et l’électricité, un « fluide » indispensable au fonctionnement d’un établissement scolaire. Mais dès lors que les collectivités sont libres d’organiser l’accès au numérique comme elles l’entendent et dès lors que les moyens d’y parvenir sont divers, on observera nécessairement des différences d’un territoire à l’autre et même, pour peu qu’une collectivité éprouve le besoin de tenir compte des spécificités de ses établissements dans l’élaboration de sa politique, au sein d’un même territoire.

Les différences que la décentralisation fait naître peuvent être perçues, non pas comme des disparités portant atteinte au principe d’égalité et que l’Etat devrait s’attacher à corriger, mais au contraire comme une chance, une source de dynamisme, d’émulation, d’exploration et d’invention. C’est d’ailleurs très exactement ce qu’elles sont dans la réalité. La décentralisation a fait naître des saillances dans les écoles d’Elancourt (Yvelines), les collèges des Landes, les lycées de la région Sud et du Grand-Est. Elle a aussi permis d’atteindre un niveau global d’équipement numérique et de qualité de service qui supporte la comparaison avec celui des pays voisins.

La création de différences est constitutive de la décentralisation. On est en droit de le déplorer mais, dans ce cas, c’est le principe même de la décentralisation que l’on met en cause.

Ce que l’Etat devrait faire

Dans sa conclusion la Cour des Comptes appelle l’Etat à « définir une stratégie de déploiement du numérique au sein de l’Education nationale » à partir d’« un socle numérique de base, homogène au plan national pour les écoles, les collèges et les lycées ». Cette recommandation marque une volonté de recentralisation. Il faut s’y opposer pour deux raisons principales. D’une part, l’Etat ne disposera certainement jamais des moyens d’une telle recentralisation. D’autre part, la Cour n’est pas capable de démontrer de façon convaincante la réalité des effets de la décentralisation qu’elle juge négatifs et encore moins d’en percevoir les effets positifs.

Pourquoi la cour craint-elle tant les différences ? Pourquoi aime-t-elle tant ce qui est homogène ? Peut-on se permettre de lui rappeler que le système éducatif français est considéré comme l’un des plus inégalitaires et que la cause de cette situation n’est certainement pas imputable à la décentralisation mais plus probablement à un excès de centralisme et à l’ignorance des réalités locales qui l’accompagne ?

Il est plus que temps d’opter pour une approche décentralisatrice du numérique éducatif qui, non seulement tienne compte des réalités de la décentralisation, mais en tire avantage. Puisque les compétences sont partagées entre l’Etat et les collectivités, les politiques devraient, elles aussi, être conçues et mises en œuvre conjointement. Pour des raisons pratiques, de telles politiques ne peuvent être que territoriales. L’académie apparaît ici comme l’échelon où peuvent être rassemblés, dans un ensemble cohérent et sur un espace restreint, les acteurs institutionnels contribuant au financement et au fonctionnement des établissements du premier et du second degré. Une organisation commune, encore à créer, pourrait prendre en charge l’élaboration d’une politique territorialisée du numérique, fixer le rôle de chaque partenaire, décider des conditions pratiques de sa mise en œuvre et, en particulier, de son évaluation.

Une telle évolution n’est envisageable qu’au prix d’une réforme importante du statut de l’académie. Elle suppose également que l’administration centrale renonce à fixer un cap qu’elle n’a pas les moyens d’imposer à ses partenaires. Au mouvement actuel descendant (ruisselant ?) du sommet vers les académies et vers les territoires, se substituerait un mouvement remontant, addition des initiatives, des idées, des différences.